Le transfert d’actifs à l’étranger : conséquences fiscales

Dans une économie de plus en plus dématérialisée, la question du transfert d’actifs à l’étranger se pose de manière récurrente aux chefs d’entreprises. Cependant, le transfert d’actifs à l’étranger représentant une perte fiscale importante pour l’état de résidence de l’entreprise, le législateur a entendu vouloir désinciter les entreprises françaises à se délocaliser.

Ainsi, il existait jusqu’en 2004 un régime prévu à l’article 221 du code général des impôts qui disposait que « le transfert du siège ou d’un établissement à l’étranger » entrainait sur le plan fiscal les conséquences d’une «cessation d’entreprise » à savoir l’imposition immédiate des bénéfices d’exploitation non encore soumis à l’impôt sur les sociétés, l’imposition des provisions initialement déduites du résultat fiscal et l’imposition des plus-values latentes existantes.

A l’instar d’autres régimes fiscaux (intégration fiscale, convention mère-fille) de droit interne, ce régime a subi des transformations eu égard aux règles gouvernant le marché intérieur de l’union européenne. En effet, la cour de justice de l’union européenne par deux arrêts des 29 novembre 2011 et 6 septembre 2012 a jugé que les législations portugaises et hollandaises, alors similaires à celles de la France qui prévoyaient la taxation immédiate des plus-value latentes afférentes aux actifs de sociétés résidentes qui transfèrent leurs actifs en dehors du territoire national, en même temps que leur siège social, ne constituent pas une restriction proportionnée.

De plus, le célèbre arrêt de la CJUE, 29 novembre 2011, aff 371/10, NATIONAL GRIND INDUS BV met en exergue le fait qu’un paiement fractionné de l’imposition sur plusieurs années, à l’instar de ce que prévoient les législations suédoise et allemande, permet de concilier la liberté d’établissement et l’objectif de juste répartition de la matière imposable entre Etats membres.

A la suite de ces arrêts, le législateur français a alors pris l’initiative de réformer l’article 221 du code général des impôts par le biais de la loi troisième loi de finances rectificatives du 29 décembre 2012.

Celui-ci prévoit deux situations :

– Le transfert d’actifs entrainera les conséquences fiscales de la cessation d’entreprise lorsqu’une société résidente de France, passible de l’impôt sur les sociétés, transfère son siège à l’étranger, sauf si le siège est transféré dans un autre Etat membre de l’union européenne sans transfert d’actifs concomitant.

– Par contre, si les actifs sont également transférés à l’occasion du transfert de siège dans un autre Etat membre, les plus-values latentes afférentes aux éléments d’actif immobilisé donnent lieu à une imposition immédiate.

L’article 221 du code général des impôts prévoit également afin d’être en conformité avec les règles de l’union européenne une possibilité par le biais d’une faculté d’option expresse d’étalement de l’imposition afférente aux plus-values latentes ainsi qu’aux plus-values en report ou en sursis d’imposition sur les éléments de l’actif immobilisé transféré.

De plus, la doctrine administrative est venue précisée la portée de l’article 221 du code général des impôts. En effet, l’instruction fiscale BOI-IS-CESS-30 n°70 précise que la sortie d’un élément de l’actif immobilisé du bilan lorsque cette sortie n’est pas liée à un transfert de siège ou d’établissement ne rentrent pas dans les critères d’application de l’article 221 du code général des impôts mais donnent lieu à une imposition selon le régime commun de l’impôt sur les sociétés.

Ainsi, le régime des transferts d’actifs immobilisés à l’étranger peut se révéler complexes et entrainer des conséquences financières lourdes qu’il faut appréhender et anticiper. Le conseil d’état n’a pas encore été d’ailleurs à se prononcer sur ce nouvel article 221 notamment sa compatibilité eu égard aux règles comptables. Par conséquent, face à l’insécurité juridique que peuvent occasionner les transferts d’actifs à l’étrangers, les conseils d’un homme de l’art semblent indispensables.

Le Cabinet TBS-Thierry BEN SAMOUN, avocat fiscaliste, ancien élève de l’Ecole Nationale des Impôts vous assiste et vous propose des conseils adaptés à vos demandes et réflexions préalables à vos décisions de gestion voire assurer votre défense en cas de contrôle de l’administration fiscale.

ILLUSTRATION (tirée de cas réel) :

1) la SA X qui est établie en France transfère son siège au Danemark. Ce transfert ne s’accompagne pas du transfert des éléments de l’actif immobilisé qui demeurent intégralement inscrit au bilan d’un établissement situé en France.

L’administration fiscale avait tenté de redresser la société A en taxant la société SA comme dans le cas d’une cession d’entreprise. La cour de justice de l’union européenne a débouté l’administration fiscale. En effet, l’imposition immédiate d’une entreprise lorsqu’elle transfère son siège est contraire à la liberté d’établissement des entreprises lorsque ce transfert ne s’accompagne d’aucun transfert des actifs immobilisé.

2) La SA Y qui est établie en France transfère son siège au Danemark. Ce transfert s’accompagne du transfert des immobilisations suivantes dans différents états :

L’ensemble des actifs financiers est désormais inscrit au bilan d’un établissement russe. Les brevets sont transférés quant à dans un établissement ISLANDAIS, les actifs mobiliers en l’espèce sont inscrits au bilan d’un établissement français.

L’administration fiscale a à bon droit imposés immédiatement les immobilisations transférées en RUSSIE. Par contre, l’ISLANDE étant un pays de l’espace économique européen, elle a été déboutée lorsqu’elle a cru à bon droit imposé immédiatement les brevets transférés en Islande.