L’article 5 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que « Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ».
Ce principe de liberté s’applique en matière fiscale comme l’a rappelé une célèbre jurisprudence du Conseil d’Etat du 7 juillet 1958 n°35 977 « le contribuable n’est jamais tenu de tirer des affaires qu’il traite, le maximum de profit que les circonstances lui auraient permis de réaliser ».
Plus encore la jurisprudence, loin de condamner sans nuance toute forme d’habileté fiscale retient un principe de libre choix de la voie la moins imposée : le contribuable est libre, dans le respect de la loi fiscale, d’emprunter cette voie. Dans la mesure où il ne méconnait pas ses obligations légales, l’administration ne saurait lui reprocher de rechercher (ni d’avoir obtenu) la réalisation d’économies « fiscales ».
Le principe est donc bien celui de la libre gestion par le chef d’entreprise et de la non-immixtion de l’administration fiscale dans l’entreprise. Cependant, la jurisprudence a élaboré une théorie qui consacre l’inopposabilité à l’administration fiscale des actes anormaux de gestion.
Le Cabinet TBS-Thierry BEN SAMOUN, avocat fiscaliste, ancien élève de l’Ecole Nationale des Impôts vous propose des conseils adaptés dans l’optique d’une prévention des risques fiscaux (redressement) en matière de décisions de gestion du chef d’entreprise.
Fondée sur les textes généraux définissant le bénéfice imposable ou les charges déductibles (art 38 et 39 du CGI) dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, la théorie de l’acte anormal de gestion est reçue tout à la fois dans le cadre de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés.
L’acte anormal de gestion s’y définit de manière générale comme celui qui – indépendamment de son caractère licite ou illicite- est contraire aux intérêts de l’entreprise. Nécessairement intentionnel, l’acte anormal de gestion peut revêtir différentes formes :
– dans sa forme usuelle, l’acte anormal de gestion est celui qui diminuant le résultat imposable ne comporte pas de contrepartie suffisante pour l’entreprise. L’appauvrissement peut aussi bien résulter de la constatation d’une charge anormale que de la renonciation anormale à un produit. Ce qui peut être le cas par exemple en matière de renonciation à un loyer sans contrepartie.
– auparavant la gestion anormale de l’exploitation pouvait résulter des « risques manifestement excessifs » pris par un chef d’entreprise pour améliorer ses résultats ou des carences manifestement excessives dans l’organisation de l’entreprise et la mise en œuvre de dispositifs de contrôle. (CE 27 avril 2011 Ferrand). Par un arrêt du 13 juillet 2016, le Conseil d’Etat abandonne la théorie du risque manifestement excessif relative à l’acte anormal de gestion. Il déclare qu’il n’appartient pas à l’administration fiscale de se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion opérés par l’entreprise et notamment sur l’ampleur des risques pris par elle, pour déterminer un acte de gestion comme étant anormal.
Par contre, un acte illicite ne constitue pas nécessairement un acte anormal de gestion. En effet, un chef d’entreprise entendait déduire de son bénéfice le montant des condamnations pour recel et escroquerie. L’administration fiscale contesta ces déductions et redressa le contribuable arguant de l’anormalité de ces dépenses. Cette position fut confirmée par la Cour administrative d’appel de Nantes qui considéra que ces condamnations étaient la conséquence des risques manifestement excessifs que le dirigeant avait fait supporter à son entreprise. Le Conseil d’État censura la décision des juges nantais pour erreur de droit aux motifs que « ne relèvent pas nécessairement d’une gestion anormale tous les actes ou opérations que l’exploitant décide de faire en n’ignorant pas qu’il expose ainsi l’entreprise au risque de devoir supporter certaines charges et dépenses ». (CE 7 janvier 2000, Philippe n°186.108)
Cependant depuis une loi de finances pour 2000, il convient de préciser que les sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des entreprises ayant contrevenu à des obligations légales ne sont pas déductibles.
En matière de bénéfices non commerciaux, une jurisprudence fournie se rapporte davantage au principe de l’anormalité des dépenses. En effet, dans deux arrêts rendus en 2013 par la plénière fiscale du contentieux, le conseil d’Etat a jugé que si les titulaires du BNC sont en principe seuls juges de l’opportunité des décisions qu’ils prennent, l’administration fiscale est cependant fondée à réintégrer dans leur résultat imposable le montant de recettes non déclarées qu’ils n’auraient pas normalement pas dû renoncer à percevoir. (CE 23 décembre 2013 ministre contre UGUEN) Tel est le cas de remises sans contrepartie ou en l’absence de motifs légitimes de remises effectuées par des notaires sur leurs honoraires.
En matière d’impôt sur le revenu, l’acte anormal de gestion trouve à s’appliquer essentiellement dans le cadre de revenu foncier. Tel est le cas d’une renonciation par le bailleur sans justifier d’un intérêt suffisant à percevoir les loyers convenus (CE 29 mai 1991, n°75021 Winter)
Enfin, s’agissant des décisions de gestion interne, le principe est celui de la liberté : le contribuable prend une décision de gestion régulière lorsque conformément à la loi fiscale, il exerce valablement une faculté de choix entre deux solutions également admises. Par exemple, il peut choisir entre l’IR ou l’IS dans les conditions prévues par la loi, le type d’amortissement qu’il souhaite ou de provisionner ou non.
Le Cabinet TBS-Thierry BEN SAMOUN, avocat fiscaliste, ancien élève de l’Ecole Nationale des Impôts vous assiste et vous propose des conseils adaptés à vos demandes et réflexions préalables à vos décisions de gestion voire assurer votre défense en cas de contrôle de l’administration fiscale.